lundi 19 février 2018

La terrasse des Bernardini, Suzanne Prou

Résumé :
Deux femmes vivent ensemble dans une grande demeure provinciale. Laure Bernardini est âgée, digne et riche, assoiffée de respectabilité. Que fait auprès d'elle l'étrange Thérèse ? Quel drame les unit ? Quels liens les retiennent ? S'aiment-elles ou se haïssent-elles ?
Sur la terrasse des Bernardini, soir après soir, les deux femmes reconstituent le puzzle de leurs souvenirs. En se servant de détails infimes, de racontars, de vieux papiers, une narratrice curieuse cherche à cerner la vérité.

Mon avis :
J'ai trouvé ce roman en boîte à livres, je l'ai pris par hasard et j'ai passé un excellent moment de lecture, je l'ai d'ailleurs lu en 3 heures à peine, ce qui est assez rare pour être signalé !

Il y a très peu de protagonistes, on a Laure, issue d'une famille de commerçants modestes, des bouchers. On a Thérèse, la femme avec laquelle Laure se remémore certains événements de sa vie. Enfin il y a Paul, qui deviendra la mari de Laure. Il y en a d'autres, mais leur présence dans le roman est assez minime.

Laure est donc une jeune fille, voisine des Bernardini, et un jour elle livre a Mme Bernardini une commande de viande, c'est là qu'elle tombe amoureuse de Paul, qui pourtant ne semble pas très intéressé, sauf pour qu'elle serve d'entremetteuse entre lui et Thérèse. Ainsi il lui en fera voir de toutes les couleurs, et ce durant plusieurs années, jusqu'à ce qu'ils se marient. Je ne vous révèle rien, on sait dès les premières pages que Laure est la femme de Paul Bernardini.

Ainsi il y a beaucoup de mystères autour de la famille Bernardini, mais aussi autour des rapports qu'entretiennent Laure et son amie Thérèse. Il n'est pas clairement dit si elles se détestent, s'aiment, ou simplement cohabitent cordialement. Toujours est-il qu'au travers des deux femmes, l'auteure dénonce une condition féminine assez révoltante, dans la mesure ou le lecteur est énervé pour Laure contre Paul, qui la traite sans aucun respect tandis qu'elle accepte sa condition sans se rebeller.

En ce qui concerne la forme, j'ai trouvé l'ambiance assez contemplative et le rythme globalement assez lent. Le style est très poétique, et les révélations arrivent au compte-gouttes ce qui donne toujours envie de tourner les pages pour en savoir plus.

Le cadre spatio-temporel est assez flou car on navigue entre les deux femmes qui se remémorent leurs vies passées, et les souvenirs évoqués au travers de flash-back. Il ne faut pas perdre le fil au risque de se demander si ce qu'on lit est un souvenir ou un événement du présent.

Pour conclure, c'est un très beau livre, autant dans le fond que dans la forme, dont je vous recommande chaudement la lecture. Si vous le connaissiez déjà, n'hésitez pas à me dire qu'elle impression il vous a fait.


Suzanne Prou, La terrasse des Bernardini, Calmann-Lévy, 1973, 249 pages.

mardi 13 février 2018

La ferme des Neshov, Anne B Ragde

Résumé :
Après l'enterrement de leur mère, les frères Neshov pensaient reprendre le cours de leur vie. Mais tout a changé : Erlend est confronté au désir d'enfant de son compagnon, Margido à sa solitude, et Tor, l'aîné, vit mal son quotidien à la ferme, auprès du "père"... A leur insu, le drame couve et, pour chacun d'eux, l'heure des choix a sonné.

Mon avis :
J'ai lu le tome 1 en septembre 2012, il y a donc plus de 5 ans, et je craignais d'avoir oublié trop de choses pour pouvoir me plonger dans celui-ci sereinement. Pour autant, j'ai assez facilement retrouvé mes repères. 

J'avais beaucoup aimé le premier tome, et je me suis encore une fois régalée, je ne pense d'ailleurs pas tarder à lire le troisième volet car le dénouement de celui-ci nous laisse sur un cliffhanger et ne peut que donner envie de connaître la suite au plus vite.

Les personnages sont extrêmement bien dépeints et très attachants. On suit la vie à la ferme des Neshov ; avec le gérant, Tor, éleveur de truies et son père Tormod. Par extension on suit la vie de Margido, qui travaille das les pompes funèbres, Erlend qui crée des vitrines, ou encore celle de Torunn, la fille de Tor, qui est éducatrice canine ; les trois vivant à quelques heures de route de la ferme.

On découvre à la fois des grandes problématiques comme le devoir de s'occuper de ses parents vieillissants, mais aussi d'autres problèmes plus actuels tels que les couples homosexuels désireux de devenir parents.

Chacun y trouve son compte, car ce roman est extrêmement humain, et chaque lecteur peut se retrouver dans l'un des protagonistes. Ce roman c'est la vie, avec ses joies, ses peines et ses soucis, le tout en parallèle de la vie professionnelle, sans oublier beaucoup d'humour par moment, mais surtout de l'amour !

Pour conclure, je me suis régalée à la lecture de ce roman, et j'avais du mal à le reposer, voulant sans cesse découvrir ce qui allait advenir des personnages. Je vous le recommande chaudement.


Anne B Ragde, La ferme des Neshov, 10/18, 2010, 2005 pour la première publication, 349 pages. Traduit du norvégien par Jean Renaud.

vendredi 9 février 2018

Even dead things feel your love, Mathieu Guibé

Résumé :
Au terme de votre vie, à combien estimez-vous le nombre de minutes au cours desquelles vous avez commis une erreur irréparable ? De celle dont les conséquences régissent d'une douloureuse tyrannie vos agissements futurs jusqu'au trépas. Mon acte manqué ne dura pas plus d'une fraction de seconde et pourtant ma mémoire fracturée me renvoie sans cesse à cet instant précis tandis que la course du temps poursuit son inaltérable marche, m'éloignant toujours un peu plus de ce que j'ai perdu ce jour-là. Je me demande si notre dernière heure venue, les remords s'effacent, nous délestant ainsi d'un bagage bien lourd vers l'au-delà ou le néant, peu importe. Puis je me souviens alors qu'il s agit là d'une délivrance qui m'est interdite, condamné à porter sur mes épaules ce fardeau à travers les âges, à moi qui suis immortel. L'amour ne devrait jamais être éternel, car nul ne pourrait endurer tant de douleur.

Mon avis :
J'ai acheté ce livre en juillet 2013 et je ne l'ai lu qu'en janvier 2018 ! Pourtant je ne regrette pas de l'avoir laissé au chaud dans ma PAL si longtemps car je pense l'avoir lu pile au bon moment. Je me suis vraiment régalée avec ce roman.

Concernant la forme, les chapitres sont courts, ce qui apporte beaucoup de dynamisme au roman.
Chaque chapitre a un titre, et j'ai trouvé ça à la fois original et poétique. L'écriture est très jolie, l'auteur nous emmène directement auprès de ses personnages. Lorsque Josiah et Abigale sont à l'exposition universelle par exemple, on est parmi la foule, avec eux, et j'ai beaucoup apprécié ça.

J'ai trouvé le rythme à la fois contemplatif par moments, mais aussi dynamique et incitant à tourner les pages à d'autres moments. On veut sans cesse en savoir plus sur les péripéties des protagonistes.

En ce qui concerne le fond, au regard des premières pages, j'ai eu peur de tomber dans un roman bit-lit classique, et que nenni ! Les personnages sont, tout comme le roman, loin des clichés. En effet lorsque Abigale découvre la nature de Josiah par exemple, elle ne fuit pas comme certaines autres héroïnes de bit-lit, et j'ai beaucoup aimé sa réaction.
Je me suis beaucoup attachée aux personnages, qui sont très peu nombreux. J'ai notamment beaucoup aimé le majordome de Josiah.

Autre élément que j'ai beaucoup aimé, mais que je préfère mentionner pour vous mettre en garde, le roman est parfois assez dur. L'auteur ne mène pas la vie facile à ses personnages. Certaines scènes sont assez rudes et je préfère vous prévenir de ne pas mettre ce roman entre les mains des plus jeunes lecteurs.

Le roman se déroule sur une très longue période, et au travers de Josiah on voit le temps passer, et le monde se moderniser au fil des siècles. Ainsi il se passe énormément de choses. Nos personnages sont parfois séparés, puis se retrouvent, et rien n'est vraiment gagné dès le départ. Ce roman est très original, pour tout dire je n'ai jamais lu de roman comparable jusqu'à présent ! 
Pour conclure je vous recommande chaudement cette lecture !


Mathieu Guibé, Even Dead Things Feel Your Love, éditions du chat noir, Mars 2013, 267 pages