dimanche 19 novembre 2017

La mort est mon métier, Robert Merle

Résumé :
"Le Reichsführer Himmler bougea la tête, et le bas de son visage s'éclaira...
- Le Führer, dit-il d'une voix nette, a ordonné la solution définitive du problème juif en Europe.
Il fit une pause et ajouta:
- Vous avez été choisi pour exécuter cette tâche.
Je le regardai. Il dit sèchement :
- Vous avez l'air effaré. Pourtant, l'idée d'en finir avec les Juifs n'est pas neuve.
- Nein, Herr Reichsführer. Je suis seulement étonné que ce soit moi qu'on ait choisi..."


Mon avis :
J'ai acheté ce livre il y a quelques années, en 2015 je crois, sur les conseils d'un vendeur dans une boutique parisienne que j'adore et qui n'a rien à voir avec les livres ! En discutant un jour il m'a conseillé ce roman et je me l'étais procuré. Je ne regrette pas cet achat, car j'ai beaucoup aimé cette lecture.

On suit Rudolf Hans, le personnage principal, qui est un personnage historique réel mais dont le nom a juste été modifié. Il a été le dirigeant du camp d'Auschwitz. Rudolf aime l'ordre, la routine. Au départ il ne comprend pas forcément le rôle qu'on lui demande de jouer. Il aime se rendre utile et son supérieur lui répète sans cesse qu'il est plus utile ici qu'ailleurs (au front par exemple), il reste donc à son poste, désireux de bien servir son pays.
Les choses se font petit à petit, insidieusement, et les SS ont des termes tellement neutres et mystérieux pour parler des camps que Rudolf est au début convaincu que ce sera une chose positive. Par exemple ils disaient que c'était du travail forcé pour redresser les esprits des prisonniers. Certes il fait preuve d'une certaine haine des juifs mais à l'époque c'était malheureusement assez commun et il n'était pas pire que d'autres à ce niveau là.
 
Dans ce roman on découvre toute la dimension logistique des camps, on demande par exemple à Rudolf de trouver des solutions pour augmenter la productivité des camps afin de gazer le plus de personnes possible ; que faire des corps ensuite, etc. Rudolf se concentre sur cette facette matérielle, sans s'apercevoir de l'atrocité de la chose. Ce n'est qu'en visitant un autre camps pour comparer leurs méthodes d'exécution, qu'il prendra conscience de l'atrocité de la "solution finale", mais je pense qu'il se voile la face pour ne pas trop y penser.

Du point de vue de sa vie privée, il se dit "non sensuel". Il n'a en effet pas de vie sexuelle. Il ne veut pas se marier, même s'il y sera obligé par ses supérieurs ; mais même marié il ne touchera jamais sa femme.

Tout au long du roman Rudolf est déshumanisé, il n'a pas d'opinion sur ses actes car en tant que soldat il ne pense qu'à obéir aux ordres sans les juger. Cet élément rend le personnage presque attachant, j'ai bien dit presque ! Mais disons que l'auteur nous permet de comprendre comment on pouvait se lever chaque matin et participer au massacre des juifs, et parvenir encore à se regarder dans un miroir. Rudolf est un soldat avant tout, et en tant que tel il ne pense pas, ne porte pas de jugement, et n'a aucun recul sur ses actes, il obéit aux ordres du mieux possible, point barre ! Je n'ai pas dit que ça rendait ses actes excusables, hein !

Par la suite on apprend que Himmler s'est suicidé, et Rudolf se sent trahi car c'est toujours le supérieur qui est censé endosser la responsabilité d'un ordre et pas l'exécutant ; or comme il ne faisait qu'obéir aux ordres d'Himmler, il se pensait en sécurité. Himmler décédé, Rudolf se fera bien sûr arrêter. Il passera ensuite en procès en Pologne pour endosser ses responsabilités.

Pour conclure je ne peux que vous recommander ce roman, que j'ai trouvé extrêmement intéressant, d'autant plus qu'il apporte une vision assez singulière de la solution finale, pas du point de vue des juifs cette fois-ci, mais de celui des soldats allemands.


Robert Merle, La mort est mon métier, Gallimard Folio, 1952 pour le texte, 1972 pour la préface, 369 pages.

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